Deadhouse Landing (Path to Ascendancy t.2) Esslemont encore plus fort !

Deadhouse Landing est la suite des aventures du mage Wu (Kellanved) et de l’assassin Danseur dans la poursuite de leur folle destinée. Ecrit par Ian Cameron Esslemont et se déroulant dans l’univers qu’il a co crée avec Steven Erikson (Univers Malazéen / Livre des Martyrs), ce second opus frappe encore plus fort que son prédécesseur qui m’avait déjà beaucoup plu ! (Ici ma chronique du tome 1 en VF)

Quelques mois se sont écoulés depuis que nos deux compères ont quitté la ville de Li Heng la queue entre les jambes et nous les retrouvons fraîchement expulsés de la ville marchande de Cawn où la chance ne leur a apparemment pas souri non plus. Mais c’est ici, dans la ville de Malaz (petite ile au large de Quon Tali) Wu en est certain, que leurs « plans » vont aboutir ! De quels plans s’agit il exactement ? Danseur lui même n’en est pas bien sûr, mais Kellanved, avec ses faux airs de vieux fou et derrière ses écrans de fumée semble tout de même digne d’être suivi et épaulé par le jeune assassin.

Malaz est une île-nation autonome de peu de puissance, qui vit des raids sur le continent de sa flotte et de son contrôle maritime (d’autres puissances doivent leur payer le droit de passage ou un droit de « protection » sur les mers environnantes) La cité est dirigée par Mock, sorte d’amiral des corsaires, épaulé par sa jeune compagne ambitieuse, la mage de Thyr (garenne de la Lumière) Tattersail (Loquevoile)

Première étape de leur périple à Malaz, le Dal-Honien et son complice acquièrent une auberge, The Hanged Man’s Inn (l’Auberge du Pendu) et récupèrent par la même occasion un personnel quelque peu étrange : des napiens (de Nap, ile-principauté, rivale de Malaz) Ces « employés » se révèlent être des exilés politiques aguerris au combat, à leur tête, une jeune femme douée d’un fort tempérament : Surly (Revêche)

Ailleurs, nous continuons de suivre la voie de Dassem, le glaive mortel de Goule, dont le flegme et les prouesses au combat n’ont pas fini de nous étonner.
Sur l’ile de Kartool (troisième ile orientale du continent talien) nous faisons également la connaissance de Tayschrenn, un jeune prêtre de D’Rek, le Ver de l’Automne, qui possède une connaissance et une maitrise avancée de plusieurs garennes, ce qui en fait un mage très puissant.

Nombre d’ascendants et autres dieux (anciens et nouveaux) ont évidemment un rôle dans le roman, nous y sommes habitués avec nos deux auteurs, et c’est personnellement un des aspects de leurs livres que je préfère. Voir les pièces se déplacer sur l’échiquier, tout en ne faisant qu’entrevoir les motivations de ces joueurs divin, entretien un délectable mystère…

J’ai adoré le cadre « malazéen » de ce second tome, que j’ai largement préféré a celui du précédent. Malaz est une ville beaucoup plus modeste que Li Heng, d’importance bien moindre. A l’inverse de l’imposante cité fortifiée, de son palais étincelant sous la lumière d’un soleil chaud et omniprésent, tout à Malaz, semble se dérouler de nuit, sous le brouillard marin, dans le froid, avec le son lointain des eaux… Tout nous y apparait alors comme secret, caché, mystérieux… et cela amplifie l’intrigue du roman à merveille !
Les passages qui concernent Tayschrenn, le prêtre de D’Rek, m’ont passionnés, car Esslemont nous donne à voir le fonctionnement d’un temple, les rites et dogmes observés par les serviteurs d’un culte (ancestral de surplus) et c’est un élément qui manque de manière général dans les livres de l’univers que j’ai lu jusqu’à présent. Cette « lacune » est donc ici abordée, à mon plus grand plaisir.

Intrigues, exploration de garenne, guerre des gangs, mages et dieux sont tout autant d’ingrédients de ce nouveau cocktail concocté par Ian Cameron Esslemont dont vous pourrez vous délecter prochainement en version française chez LEHA Editions.

J’avais déjà apprécié le premier opus de Path to Ascendancy / La voie de l’ascendance, mais l’avait trouvé par certains aspects un peu trop « fantasy classique », ce tome-ci incarne plus le particularisme malazéen à mes yeux , ce qui fait déjà de cette trilogie (considérée comme stand alone ou comme partie de l’œuvre complète Erikson-Esslemont) un must-read !

Au menu, d’innombrables réjouissances donc pour les lecteurs assidus des cycles malzéens mais également pour les nouveaux venus qui seront convaincus (si ce n’était pas déjà le cas après le premier tome) de plonger sans y réfléchir dans les profondeurs de ce superbe univers !


VO: Deadhouse Landing, Path to Ascendancy T.2, Ian Cameron Esslemont, Bantam Books, 472 pages, 9.99£ Niveau d’anglais : Intermédiaire

VF: à paraitre prochainement chez LEHA éditions


Ailleurs sur la blogosphère : Vous ?

La complainte de Danseur, Erikson expliqué par Esslemont.

Premier tome de la trilogie La voie de l’Ascendance, se déroulant dans l’univers des Malazéens ( Le Livre des Martyrs ), La Complainte de Danseur narre les aventure du jeune assassin Dorin dans la ville de Li Heng en Quon Tali.

A ceux d’entre vous qui ne connaissez pas encore l’univers incroyable et complexe des Malazéens co-construit par Steven Erikson et Ian Cameron Esslemont : Bienvenu ! J’espère vraiment que vous vous laisserez tenter par ce monde extraordinaire, profond et captivant, MAIS je vais aussi vous conseiller de ne pas débuter par cet ouvrage pour ce faire !

L’éditeur français LEHA (que l’on ne remerciera jamais assez pour la traduction française des romans de cet univers) met en avant dans ses campagnes promotionnelles sur les réseaux, et sur la quatrième de couverture du livre, le commentaire suivant de The Fantasy Book Review :

« La Complainte de Danseur, pourrait constituer un point d’entrée plus accueillant dans l’univers malazéen que le point de départ habituel, Les Jardins de la Lune »

Je suis en total désaccord avec cette idée !

Pourquoi faut il lire Erikson avant Esslemont ?

Certes, l’intrigue de la trilogie de Danseur est plus simple, le récit plus linéaire, l’aventure se déroule en un seul lieu (Li Heng), seulement trois perspectives de personnages sont enchâssés, le style d’Esslemont est plus direct, avec moins de circonvolutions que celui de Steven Erikson, l’intention du roman n’est pas de dévoiler au lecteur un univers immense et d’une profondeur abyssale, mais de narrer simplement l’histoire d’une rencontre et d’une ville assiégée, tout cela est vrai. Mais cette simplicité n’est possible que parce que notre connaissance préalable de l’univers et de certains personnages est réputée vraie lorsque notre récit débute…

Cela n’enlève rien à la qualité du roman d’Esslemont. Si on le considère comme ce qu’il est, c’est à dire un préquel au Livre des Martyrs. Dès lors, il rempli parfaitement son rôle : raconter et approfondir un évènement du passé, la rencontre entre Kellanved et Danseur (sous les noms de Wu et Dorin dans cette histoire) et le début de leur folle destinée.
J’ai peur que si vous entrez dans ce monde par cette porte-ci vous ne soyez quelque peu déçus, car l’atmosphère et les éléments de l’intrigue font l’effet d’une fantasy sommes toute assez classique. En effet, une ville fortifiée, ses allées sombres, ses guildes de voleurs, des assassins sur les toits, un souverain étranger qui assiège la ville avec ses armées sont tous autant d’éléments « déja vu ». Esslemont va lever ici certains des voiles qui entourent Kellanved et Danseur, c’est l’unique objectif, et il est atteint. Le lecteur déjà amateur et connaisseur de l’univers se délecte de cette histoire car il en sait plus que les personnages eux-mêmes sur ce qui les attend, et c’est de cette position de supériorité que l’on se régalera le plus avec La Complainte de Danseur.

Lors d’une récente rencontre avec Ian Cameron Esslemont pour une étape du « Malazan Tour » je lui ai posé une question sur ce sujet du « point d’entrée » dans leur univers commun à Steven Erikson et lui-même. Sa réponse en paraphrasant :

« Oui le nouveau lecteur pourrait éventuellement entrer par une porte où une autre, et je sais qu’il y a un débat dans la communauté des lecteurs sur le reading order de nos livres, mais Les Jardins de la Lune est bien entendu LA porte d’entrée, et Steven et moi l’avons toujours envisagé ainsi »


Voir aussi cette citation d’Erikson qui réagissait à un reading order publié sur leur site par l’éditeur anglo-saxon Tor qui ordonnait les romans selon l’ordre chronologiques des évènements dépeints dans chacun d’eux :

« I spoke with Ian about this. It seems that a few years back we worked out a sequential timeline for the Malazan history we were exploring. This is that list, supplied to Tor.com by Ian. That said, I don’t think it applies as an actual reading order. Rather, it was the two of us hashing stuff out. Both Ian and I would recommend the basic publication order.« 

Les auteurs recommandent donc eux-mêmes l’ordre de publication comme ordre de lecture. Ce qui positionne La Complainte de Danseur en…
vingtième position ! Sans attendre jusque là, je pense qu’il est inutile voir contre-productif de lire ce roman avant d’avoir lu au minimum le tome 2 du Livre des Martyrs, Les Portes de la Maison des Morts.

Et sinon ?

L’action se déroule en Quon Tali. Le continent est composé de différentes cité-états qui se battent pour étendre leurs zones d’influence et pour le contrôle des routes commerciales importantes. Depuis l’époque de l’hégémonie talienne, aucune ne prend l’ascendant sur les autres et un semblant de statu quo perdure.

Dorin (Danseur) est un jeune assassin (avec un code de l’honneur) qui se rend dans la ville de Li Heng afin de trouver un employeur qui saura mettre à profit ses talents. Il pénètre dans la cité quelques jours à peine avant que le roi Chulalorn d’Itko Kan, une cité rivale, ne décide d’une offensive de grande ampleur contre la ville . Commence alors le siège, dont le roman nous fait le récit. En outre de la perspective de Dorin, le lecteur vivra le siège et découvrira les enjeux et tensions qui animent la ville à travers le point de vue de deux autres personnages. Soie, hautain et précieux, mage de la ville, fidèle serviteur de Shalmanat la protectrice de Li Heng. Et, Iko, une des fameuse Danseuse de Lames, les protectrices surentrainées du roi Chulalorn qui se retrouvent en position d’otages à l’intérieur de la cité fortifiée.

L’humour est omniprésent dans l’écriture d’Esslemont et c’est un des gros point fort de ce préquel. La rencontre entre Dorin et le malicieux mage Wu (Kellanved) est à ce titre bien savoureuse, et la relation « Je t’aime – Moi non plus » qu’ils développent par la suite donne lieu à de nombreuses scènes comiques. Evidemment l’effet humoristique est lui aussi renforcé par la prescience du lecteur qui connait tout ou partie du destin de ces personnages.
L’auteur excelle également comme son comparse Erikson à rendre l’impression de puissance inouïe de la magie dans leur univers, et j’ai été scotché devant ses manifestations à plusieurs reprises.

Conclusion

J’ai passé un très bon moment de lecture avec La Complainte de Danseur et je l’ai dévoré en à peine deux jours. Le focus sur les personnages plutôt que sur l’univers permet de s’attacher rapidement et pleinement à ceux-ci. L’intrigue n’est pas transcendante, mais la légèreté de traitement qui alterne avec des moments à grande intensité dramatique, m’ont fait vivre des émotions que j’ai profondément envie de prolonger dans la suite du cycle (et je suis déjà en train de lire le tome 2 en VO).

Au risque de me répéter, je suis tout de même persuadé que la ballade n’est appréciable à son plus haut degré que si le lecteur à une connaissance déjà avancée de l’univers malazéen. (je met des liens vers les chroniques du tome 1 du Livre des Martyrs plus bas pour ceux qui souhaiteraient s’engager sur cette voie, ce que je vous encourage à faire, ça se mérite, mais vous ne le regretterez pas)


La Complainte de Danseur, La Voie de l’Ascendance T.1, éditions LEHA (2022), 462 pages, 25 €


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