
A priori, pour les non initiés, la pêche, c’est plutôt rasoir non ? Une scène de pêche à la ligne dans un livre ? Encore pire, n’est-ce pas ? Et bien préparez-vous à être surpris !
Oui, Juhani Karila a réussi la prouesse de me captiver dès la deuxième scène de son roman, qui est une séquence de pêche à la ligne. Cette scène est tout bonnement épique, dantesque, incroyable… j’ai donc tout de suite mordu à l’hameçon de La pêche au petit brochet.
L’auteur nous emmène pour un voyage des sens et de l’imaginaire dans le nord-est de son pays natal (la Finlande), en Laponie orientale.
Elina, jeune femme originaire d’un petit village situé dans le grand nord finlandais, vit désormais une vie somme toute tranquille dans le sud, en ville. Chaque été elle revient dans l’ancienne maison familiale de Ylijaako et s’en va à l’étang de Seiväslampi pour pécher LE brochet, le seul et unique habitant de l’étang à cette période de l’année. Pour ce faire elle ne dispose que de trois jours et trois nuits…
« Un malheureux concours de circonstances avait eu pour conséquence qu’Elina devait sortir le brochet de l’étang chaque année avant le 18 juin. Sa vie en dépendait.«
En parallèle nous suivons également l’inspectrice Janatuinen, dont l’enquête sur un homicide la mène sur la trace d’Elina…
Le roman de Karila est avant tout une incursion dans la Laponie orientale. On y est vraiment, l’immersion est totale ! Cela s’opère magnifiquement à travers l’écriture sensorielle de l’auteur. Le lecteur est véritablement embarqué, nous sommes dans la boue avec les personnages, nous entendons les moustiques qui sifflent à nos oreilles, sentons l’odeur de l’herbe et la caresse de la brise. J’ai appris un nombre incalculable de noms d’insectes, de poissons, d’oiseaux et de plantes. Cette précision relative à la faune et la flore, loin de nous faire prendre du recul, au contraire nous immerge encore plus dans cette belle et terrible Laponie.
La pêche au petit brochet, c’est aussi une plongée dans le folklore finlandais. En effet pour accomplir sa quête, Elina devra affronter et pactiser avec des entités magiques sorties des mythes et légendes laponiennes…Les locaux, hauts en couleur et pittoresques à souhait m’ont beaucoup fait rire.
Aussi bien pour Elina, qui a laissé ce monde derrière elle et le rejette tout en y étant liée malgré elle, que pour Janatuinen, la flic de la grande ville totalement incrédule et éberluée vis à vis de cette population et de leurs us et coutumes, le choc culturel est total. Le ton est drôle, les situations cocasses.
Nos deux accompagnatrices de voyage sont deux « femmes fortes » au caractère bien trempé, qui ne se laissent pas faire ou impressionner. Elina joue sa vie dans cette aventure mais elle n’est pas la « jeune fille en détresse » qui a besoin d’être sauvée, elle compte bien s’en sortir en mobilisant ses propres ressources.
Bon, vous l’aurez compris, j’ai vraiment adoré ce livre. Je n’avais jamais lu auparavant de « fiction du nord », cette partie de pêche fantastico-comique m’a donné envie d’en lire d’autres. L’éditeur québécois La Peuplade (éditeur de ce livre) a d’ailleurs une collection qui leur est consacrée.
Mots appris :
- Faseyer : battre au vent
- Nodosité : État d’un végétal noueux.
- Scolopacidés : Les oiseaux de la famille des Scolopacidés sont des échassiers limicoles qui fréquentent les rives des cours d’eau et des marais. Ils sont assez faciles à reconnaître avec leurs longues pattes qui leur permet de se déplacer sur la rive sans se mouiller
- Ombrotrophe : Caractérise un écosystème, très généralement une tourbière, alimenté en eau et en sels minéraux uniquement par les précipitations atmosphériques et les vents.
- Et une infinité de races d’oiseaux et d’insectes que je ne cite pas ici 🙂
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